Création du Conservatoire (1794)

L’article 6 du décret, considérant l’importance de l’anatomie dans le déroulement des études médicales, créait un « Conservatoire » le 26 frimaire an III (26 décembre 1794) comprenant un « Cabinet d’Anatomie, une série d’instruments et d’appareils de chirurgie et une collection d’histoire naturelle médicale ». Il était un outil de travail incomparable pour un grand nombre d’étudiants en médecine, avides de bien connaître leur art, à une époque où les moyens modernes d’exploration du corps humain n’existaient pas. Pour cette raison évidente l’enseignement de l’anatomie est scellé entre les responsables de la chaire et du conservatoire.

Le local primitif qui lui fut destiné dans le ci-devant évêché, pour parler le langage de l’époque, n’est pas celui que nous avons l’habitude d’appeler ancien Conservatoire, situé au-dessus du laboratoire d’histologie et devenu salle d’examens. Une délibération de l’école, du 29 prairial an V, permet de supposer que le premier Conservatoire devait se trouver, ainsi que la Bibliothèque, dans les locaux aujourd’hui au secrétariat et aux réunions de la Faculté  » L’école de santé, considérant que la démolition du mur d’enceinte de la terrasse des Marronniers, qui avait été faite par ordre de l’administration municipale pour ouvrir la communication de la rue Basse avec les boulevards, met en danger les objets contenus au Conservatoire et à la Bibliothèque, a autorisé le citoyen directeur à faire construire un nouveau mur dans la partie de ladite terrasse qui en manque, afin de mettre le Conservatoire et la Bibliothèque à l’abri de tout événement « . La direction fut confiée à un conservateur chargé de faire annuellement la démonstration des drogues usuelles et des instruments de chirurgie en deux cours distincts ». Joseph Guillaume Virenque (1759-1829) a été le premier conservateur nommé par la loi du 26 Frimaire An III (17 décembre 1794).

Onze conservateurs se sont succédés jusqu’en 1927 date à partir de la quelle la fonction de conservateur fut supprimée et rattachée au Laboratoire d’Anatomie (An III (1794) Joseph Guillaume Virenque, An X (1801-1802) Jacques Philippe, Raymond Draparnaud, An XII (1803-1804)Joseph Anglada, 1809 Antoine, Simon, Jules Duportal, 1823 Augustin, Gaspard, Emile, René, 1835 François Anselme-Jaumes, 1850 Justin Benoit, 1853 Pierre Denis Jules Quissac, 1879 Joseph Grynfeltt, 1885 Jean Marie Bimar, 1915 Constant Lapeyre, 1917 Paul Gilis, 1927 fonction supprimée).

Au début, les ressources du Conservatoire furent bien pauvres ! L’École fonctionnait depuis trois mois à peine, que, le 22 germinal an III (22 avril 1794), les professeurs de médecine opérante (Montabré et Berthe, son adjoint) se plaignent d’être obligés de suspendre leurs cours de bandages, faute de linge et d’un mannequin. A la date du 28 brumaire an IV (28 mars 1795), le directeur de l’École René, communique à ses collègues une lettre de la Commission exécutive de l’instruction publique du 13 courant, dans laquelle cette Commission donne avis que le conservateur de l’École de santé de Paris a été chargé par le Comité d’instruction publique de procurer à celle de Montpellier ceux des instruments de chirurgie dont elle a le plus pressant besoin, et qui se trouvent en double dans la collection de son Ecole.

Cet envoi ne dût pas être cependant des plus riches, puisque, le 20 frimaire an VII (20 décembre 1798), l’École adresse au Pouvoir une demande de fonds de 2,000 francs pour achat d’instruments de chirurgie, parce que malgré que la loi du 14 frimaire an III (14 décembre 1794) porte textuellement que chacune des Écoles de médecine aura une collection d’instruments de chirurgie, celle de Montpellier en est presque dépourvue, attendu qu’à l’exception de deux boîtes pour les amputations, de deux pour le trépan et d’une pour la fistule lacrymale, tous les autres instruments envoyés par le directeur de l’École de Paris sont plus propres à meubler les ateliers d’un artisan qu’un arsenal de chirurgie.

Les collections anatomiques étaient aussi nulles. Dans la séance du 12 messidor an III, Lafabrie et Seneaux sont chargés de se joindre au citoyen Puech pour obtenir des héritiers de feu Joubert que la collection anatomique de ce savant, la seule qui se trouve dans cette commune, ne soit pas vendue ailleurs qu’à l’École de santé. Et la vérité est que les pièces anatomiques acquises de cette succession sont les premières qui soient entrées dans la Faculté.

Au 18 fructidor an V, Lafabrie dût intervenir auprès de l’administration centrale du département pour obtenir l’écorché de Houdon, qui se trouvait dans la collection des plâtres qu’elle avait acquise de la veuve Joubert, et qui se trouve aujourd’hui dans le grand escalier du conservatoire actuel, dont il indique la porte.

Ce qui contribua le plus à accroître les collections d’anatomie fut la décision du 4 brumaire an VII (1798) de l’École, qui adopte à l’unanimité qu’à partir de l’ouverture des cours de l’an VII (1798), nul élève ne peut être admis aux examens définitifs qu’il n’ait présenté une pièce anatomique naturelle ou artificielle, pour être déposée au Conservatoire. Ainsi se formèrent peu à peu des collections d’anatomie normale et pathologique, qui devaient bientôt s’enrichir de dons nouveaux d’une importance plus grande.
Le conservateur Virenque, qui fut bientôt après (17 pluviôse an VIII,1799) professeur de chimie garda la direction du Conservatoire jusque vers la fin de l’an X (1802), époque à laquelle Chaptal, devenu ministre de l’intérieur, appela Jacques-Philippe-Raymond Draparnaud à la place de conservateur, avec le titre, le rang et les prérogatives de professeur. « Le 3 frimaire an, XII (1804), J. Anglada, succéda à Draparnaud. C’est pendant sa gestion, le 17 germinal an XII (17 avril 1804), que l’école reçut de Laumonier (de Rouen) un premier envoi de pièces anatomiques modelées en cire. Delmas fut envoyé dans cette ville, pour apprendre auprès de ce maître habile l’art de modeler la cire ; devenu chef des travaux anatomiques, il fit de cette substance, entre autres un écorché de la taille d’un enfant de deux ans, sur lequel on voit une belle préparation du système lymphatique. En 1807, la Faculté acheta de la succession du professeur Pierre-Marie-Auguste Broussonnet (1761-1807) une riche collection de poissons des mers du Sud, de la Jamaïque et des côtes de la Grande Bretagne, Cuvier légua des études paléontologiques avec une série de reproductions en plâtre de ses animaux fossiles.

Delmas fit l’intérim, d’Anglada en tant que chef des travaux anatomiques, améliora les collections anatomiques, tandis que Duportal nommé le 19 mai 1810 se souciait fort peu du Conservatoire. Le 9 février 1813, il n’avait pas encore paru dans son nouveau service. Le 2 juin 1815, la Faculté lui vota une lettre de remerciements. De cette époque, date l’entrée au Conservatoire d’un grand nombre de préparations d’anatomie humaine et comparée, normale et pathologique. Delmas, non seulement modelait artistement la cire et fournissait beaucoup de pièces naturelles habilement disséquées. Lordat, d’abord comme prosecteur, puis comme chef des travaux anatomiques, travaillait aussi, à cette époque, à enrichir nos collections d’anatomie humaine et comparée. A. Roubieu, qui resta longtemps prosecteur de la Faculté, augmentait tous les ans le nombre des pièces d’anatomie normale et pathologique.

En 1815, le nombre des objets appartenant au Conservatoire s’était tellement accru, et les préparations anatomiques s’altéraient tellement par l’effet de l’humidité dans le local qui les renfermait, que Claude – Jacques-Mathieu Delpech (1777-1832), rapporteur d’une Commission composée de Montabré, Virenque, Pages, Lordat pour aviser sur la situation du Conservatoire, conclut à la translation de tous les objets faisant partie des collections dans une autre partie de la Faculté, et proposa de demander au Recteur le local occupé par le secrétariat de l’Académie, qui se trouvait dans la salle dite aujourd’hui ancien Conservatoire

Le 10 juillet 1817, sur la proposition du professeur Berthe, le doyen est prié d’inviter le conservateur à faire transporter au nouveau Conservatoire les objets qui « périclitent le plus dans le local primitif affecté aux collections ».

Dans les années suivantes, les divers concours pour le prosectorat et pour la place de chef des travaux anatomiques donnent, à des époques périodiques, un grand nombre de belles préparations d’anatomie humaine et comparée et d’anatomie pathologique avec Delpech, Lallemand, Dugès qui fournissaient au Conservatoire les plus beaux spécimens de toutes les lésions organiques, dont l’étude commençait à passionner tous les médecins.

Du 18 février 1823 au 7 avril 1835, période pendant laquelle les richesses augmentaient tous les jours, le Conservatoire fut sous la direction de René. Du 3 juin 1835 au 6 juin 1850, les professeurs Rech, et Jaumes, chargé des fonctions de conservateur les remplit avec une rare distinction, en attendant la chaire magistrale qu’il a illustrée par son enseignement. Jaumes avait la direction du Conservatoire, lorsqu’en 1842, sur la proposition d’Orfila, doyen de la Faculté de médecine de Paris, le Ministre de l’instruction publique mit à la disposition de la Faculté une somme assez ronde pour l’achat de pièces d’anatomie pathologique en carton plâtre, exécutées par le docteur Thibert, représentant diverses lésions du cerveau, des voies respiratoires, des appareils digestif et génito-urinaire, du système tégumentaire.