Le nouveau Conservatoire : 1851

L’importance de l’ancien conservatoire en matière d’enseignement permet de comprendre les démarches pour la création d’une nouvelle structure d’accueil des étudiants. Il est à noter que tous les enseignants de la Faculté empruntaient des pièces anatomiques ou des instruments pour leur enseignement.

Aussi la Faculté demanda-t-elle, à plusieurs reprises, au Ministre la construction d’un nouveau Conservatoire qui, en 1845, à la suite d’une délibération du Conseil académique présidé par M. Thory, recteur, le préfet de l’Hérault, M. Rouleaux-Dugage, venant en aide à la Faculté, chargea M. Alric, architecte du département, de dresser un plan pour la construction d’un Conservatoire. Ce projet, immédiatement élaboré par l’habile architecte, était bientôt remis par le Préfet lui-même à M. de Salvandy, ministre de l’instruction publique.

Ce ne fut pourtant qu’en 1847 que ce projet, présenté à la Chambre des députés par le Ministre et vivement appuyé par M. Vigie, premier président à la cour royale de Montpellier et député de l’Hérault, fut converti en loi, par laquelle une somme de 158064 fr. dont 90 cent, était allouée pour la construction et l’ameublement d’un Conservatoire anatomique. La ville de Montpellier devait contribuer dans cette somme pour 20 000 fr.

Le bâtiment fut construit sur l’emplacement des anciens remparts (détruits le 29 Prairial An V (18 juin 1797) le long du boulevard Henri IV, dans un style imitant la façade principale.

L’adjudication des travaux fut approuvée par le Ministre de l’instruction publique en novembre 1847 et l’édifice était achevé en 1851. Ce bâtiment est d’une longueur de 68 mètres, sur prés de 10 mètres de largeur. Au rez-de-chaussée sont des salles destinées à divers services de la Faculté (salle d’examens, laboratoire de physiologie, cabinet de physique, école pratique de chimie). La salle du Conservatoire occupe tout le premier étage ; elle a la longueur entière de l’édifice, et se trouve divisée en quatre parties liées par des colonnes intermédiaires d’ordre dorique, revêtues en martre imitatif (vert antique), De grandes et belles armoires sont placées au pourtour de la galerie. La partie supérieure des murs a été peinte en grisaille par M. Monseret, qui y a représenté les diverses sciences qui se lient à la médecine. Le plafond, d’une élévation en rapport avec la longueur de la salle, a été décoré par M. Baroffi, avec un soin qui fait honneur à cet artiste. On y voit des médaillons polychromes représentant les hommes qui ont illustré la science médicale ou les sciences dites accessoires ; ces médaillons sont dus à l’habile pinceau de M. Monceret.

Le 1er août 1850, sur la proposition du professeur Hippolyte Rech, la faculté de médecine arrêtait une liste de vingt-sept médecins les plus célèbres qui eurent le privilège d’être représentés sur ce plafond. On y voit des médaillons représentant les hommes qui ont illustré la science médicale ou les sciences accessoires.

Aristote (384-322 avant J.-C.) : le père de la biologie et de l’anatomie comparée, le plus grand savant de l’Antiquité.

Arnaud de Villeneuve (1235-1311) : le plus grand médecin du moyen âge, le précurseur de la médecine moderne.

Gui de Chauliac (1300-1368) : le père de la chirurgie

Guillaume Rondelet (1507-1566), anatomiste, zoologiste, botaniste et hydrologiste.

Ambroise Paré (1510-1590) : le père de la chirurgie moderne.

André Vésale (1514-1564) : le plus grand anatomiste du XVIe siècle.

Laurent Joubert (1529-1582) : pionnier de la diététique et père du codex des apothicaires.

Barthélemi Cabrol (1529-1603) : un des premiers démonstrateurs d’anatomie.

Jean Pecquet (1622-1674) : le père de la lymphologie.

Raymond Vieussens (1635-1715) : clinicien, anatomiste, physiologiste et chimiste.

Pierre Magnol (1638-1715) : un des plus grands botanistes.

François Lapeyronie (1678-1747) : le rénovateur de la chirurgie, créateur du collège royal de chirurgie.

Jean Baptiste Morgagni (1682-1771) : le père de l’anatomo-pathologie.

François Bourguignon de Bussiéres de Lamure (1717-1777) : grand physiologiste.

Théophile de Bordeu (1722-1776) : précurseur de l’endocrinologie et fondateur de l’hydrologie.

Henri Fouquet (1727-1806) : organisateur de l’enseignement clinique à l’hôpital.

Antoine Gouan (1733-1821) : rénovateur du jardin des plantes après la révolution.

Guillaume Charles Jean Marguerite de Grimaud (1752-1789) : spécialiste des fièvres.

Jean Antoine Chaptal (1756-182) : le plus grand bienfaiteur de la faculté de médecine.

Pierre Auguste Broussonet (1761-1807) : continua l’œuvre de Gouan.

Charles Louis Dumas (1765-1813) : premier doyen de la faculté de médecine de Montpellier.

Georges Cuvier (1769-1832) : créateur de la paléontologie.

François Marie Xavier Bichat (1771-1802) : célèbre anatomiste, pionnier de la physiologie et père de l’histologie.

Claude Jacques Mathieu Delpech (1777-1832) : père de l’orthopédie.

Augustin Pyramus de Candolle (1789-1841) : grand botaniste et fondateur pour la seconde fois du jardin des plantes.

Frédéric Bérard (1789-1828) : médecin, philosophe et historien.

Antoine Louis Duges (1797-1838) : obstétricien et naturaliste.

En 1848, pendant la gestion de Jaumes, le Conservatoire reçoit la belle collection du cabinet Dupont, composée de pièces en cire reproduisant tous les cas possibles de maladies vénériennes, diverses lésions cancéreuses.
Toutes ces acquisitions, toutes les pièces anatomo pathologiques et toutes celles que fournissaient les divers concours, soit en anatomie humaine, soit en anatomie comparée, augmentaient tellement les collections, que l’ancien secrétariat de l’Académie devenait tous les jours de plus en plus insuffisant.

Justin Benoit (1813-1893), nommé conservateur le 11 juillet 1850, a inauguré ce nouveau service, qu’il a gardé et dirigé jusqu’au 15 juin 1853, jusqu’à sa nomination à la chaire d’anatomie, en remplacement de Dubrueil. La famille de Dubrueil, fit don en 1854 d’une belle collection de 79 têtes de sujets appartenant aux diverses races humaines.

M. Lami a donné à la Faculté de médecine en 1858 un Écorché. C’est un homme adulte, de grandeur naturelle, d’une belle stature, occupé à creuser une fosse au moyen d’une bêche, et sur lequel se voient en état de contraction tous les muscles qui agissent dans l’effort qu’il fait pour faire pénétrer sa bêche dans le sol. Ce n’est plus la nature inerte, morte, qu’a voulu représenter M. Lami mais la nature en action ; de sorte que l’œuvre de cet éminent artiste laisse bien loin derrière elle tous les écorchés qui figurent dans la plupart des musées. Comme l’ont fait remarquer Lordat et Benoît, tous les muscles sont en action, excepté ceux de la face, cependant que dans tout effort violent les muscles faciaux se contractent.

Pages, ancien agrégé de la Faculté en 1876, envoya plus de 50 têtes, naturelles ou en plâtre, reproduisant les principaux types humains. Mentionnons une belle collection de poissons d’Amérique, et surtout des eaux douces des États-Unis, donnée en 1878 par le professeur Charles Frédéric Martins (1806-1889), qui l’avait reçue d’Agassiz.

Pour le laboratoire annexé au conservatoire, une allocation de 5000 Franc (17 avril 1880) a été accordée au conservatoire de la faculté pour l’installation d’un atelier d’un laboratoire affecté à la réparation des pièces détériorées et au montage des pièces nouvelles. Le besoin de cette installation était incontestablement urgent. Sans elle, l’entretien d’un autre conservatoire sur un pied convenable était fort difficile pour ne pas dire impossible et le fait est que ce département de la faculté périclitait bien un peu depuis quelque temps. Grâce à cette installation les pièces par trop altérées et capables d’être encore conservées seront remises en état et de nouvelles pourront être facilement exécutées. Que de précieux matériaux ont été perdus faute de l’outillage nécessaire et de moyens de conservation suffisant pour les mettre à profits. Inutile de redire ici l’importance qu’à eu depuis 1851 l’époque de son achèvement le conservatoire actuel dans l’organisation de la faculté.

Ce n’est qu’à partir de 1945 que par manque de crédit et de personnel responsable qu’il a été dédié à une fonction de Musée qui représente le véritable patrimoine vivant de la Faculté de Médecine.

A titre personnel nous ne pouvons que regretter l’état dans lequel se trouve ce conservatoire (Musée) qui malgré une prise de conscience collective n’a pas bénéficié de crédits pharaoniques destinés à lui redonner l’éclat qu’il mériterait.